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Photo du rédacteurChristophe Verkest

Sexe, musique et Pschitt citron

Dernière mise à jour : 24 août 2023

Pochette du disque, 45 tours, de Procol Harum, « à whiter shade of pale », dans les années 60.
Un incontournable des boums dans les années 70.

Tom Jones, « She's a Lady », c'est sûr. « Rain and tears » d'Aphrodite's Child, aussi. Et « A whiter shade of pale » de Procol Harum, bien sûr. La musique de ma première boum.

La génération précédente avait eu ses « Surprise party », nous c'était des boums. Des soirées quoi ! Mais l'après-midi et dans le sous-sol du pavillon d'une fille de ma classe.

Les boissons, c'était Pschitt orange ou Pschitt citron. Collégiens, nous étions encore trop jeunes pour l'alcool. Du coup, on n'osait pas trop danser. Neuf fois sur dix, un mec, s'il n'a pas bu, il ne danse pas. C'est comme ça. Sauf pour les slows qu'on attendait tous avec une certaine impatience.

En fait, la musique qui passait avant, c'était juste un amuse-gueule, une mise en bouche. Cette musique venait d'un petit pick-up qui, à l'époque, ne désignait pas une grosse voiture, mais un tourne-disques, l'ancêtre de la platine. Pour les boums, on y ajoutait souvent un accessoire en plastique que l'on plaçait au centre du tourne-disques. On enfilait dessus plusieurs 45 tours et cela permettait, une fois le disque terminé, que le suivant se pose et démarre tout seul. Une merveille technologique.

Un système qui supposait toutefois un certain temps de latence entre deux morceaux, pour que le bras du tourne-disque revienne sur sa position arrêt, que le disque suivant prenne place et que le bras revienne se poser dessus. Ce temps de latence, c'était le moment de tous les dangers. Celui qui pouvait venir ruiner les savants travaux d'approche entrepris pendant le premier slow. L'instant où il ne fallait pas perdre sa partenaire. Si jamais elle vous échappait en prétextant un besoin pressant de se resservir un verre de Pschitt citron, c'était mort. Si, par contre, vous arriviez à la tenir près de vous d'un petit contact de la main, vous pouviez envisager d'utiliser les quatre minutes et quinze secondes de « Nights in white satin » des Moody Blues pour surmonter votre timidité naturelle et tenter de conclure. Clairement, si après « Nights in white satin », l'affaire n'était pas engagée, c'était foutu pour l'après-midi . Sauf à réussir un improbable rattrapage sur « Sympathy » des Rare Bird, mais c'était vraiment l'opération de la dernière chance.

Moi, tous ces codes-là, lors de ma première boum, je ne les maîtrisais pas bien. Du coup, je suis reparti chez moi bredouille. Et en fait de marcher avec quelqu'un, j'ai marché avec moi même. Parce que, attention, à l'époque, si on vous disait que Bertrand marchait avec Sylvie, ce n'était pas pour vous annoncer qu'ils s'étaient inscrits ensemble à un club de randonnée. Non, ça voulait dire qu'ils s'autorisaient à se promener main dans la main dès que la maison des parents était hors de vue. Et à s'arrêter dans un petit coin pour échanger leur salive. Pour se bécoter.

Au moment de franchir le pas, nous plongions dans l'inconnu le plus total.

Bécoter... Mot délicieusement suranné. Comme compter fleurette, puis - pour monter en gamme - jouer à touche-pipi. C'est drôle comme au beau milieu des années 70 notre vocabulaire était plus prude qu'aujourd'hui. L'étions-nous plus pour autant ? Aucune idée. Je n'ai pas découvert la sexualité au XXIe siècle, je ne peux pas comparer.

Ce que je sais par contre, c'est que nous avons eu la chance d'explorer ce monde fascinant à une époque bénie : après mai 68, qui avait bien libéré les mœurs, et avant le SIDA qui a sifflé la fin de partie du sexe insouciant. Ce qui nous a laissé, si vous me permettez l'expression, une large fenêtre de tir pour la chasse aux émotions. Ça tombe bien, on avait besoin d'un peu de temps.

À une époque où la pornographie n'était pas à une simple portée de « clic » (pas d'ordinateur, pas de clic), où les corps s'affichaient peu et où la sexualité ne faisait jamais partie des discussions familiales, au moment de franchir le pas, nous plongions dans l'inconnu le plus total. Un saut sans parachute.Ce qui nous offrait aussi une belle marge de progression, soyons positifs.

C'est ce qu'avait sûrement compris Matilda. Charmante et rigole étudiante espagnole. Elle suivait ses cours au rez-de-chaussée, dans le Département carrières sociales de l'IUT de Tours, moi au quatrième, dans celui des carrières de l'information. On a quand même réussi à se rencontrer. À la cafet'. On a vite senti comme des atomes crochus. Les histoires d'amour, c'est comme les orages, on les sent arriver. Les fins d'histoires d'amour aussi sentent l'orage mais, elles, on ne les voit pas toujours arriver.

Avant que les choses ne se précisent, Matilda m'a prêté un gros bouquin : le rapport Hite. Cette étude de la sexologue américaine Shere Hite avait été publiée deux ans plus tôt, en 1976. Un pavé dans la mare qui battait en brèche bien des idées reçues – surtout pour les hommes – sur la sexualité féminine. En m'encourageant à le lire, Matilda me confiait en quelque sorte le mode d'emploi avant de passer aux travaux pratiques. Maligne et prévoyante !

Quand je pense qu'aujourd'hui mes fils se moquent de moi parce que je lis toujours les notices avant de brancher un nouvel appareil !

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