Personne ne m'a forcé. C'est bien de mon plein gré qu'un jour, j'ai accepté de devenir président d'une association sportive, en l'occurrence un club de roller à forte dominante roller hockey. J'avais besoin de m'occuper.
On dit toujours que les bénévoles œuvrent pour les autres. C'est vrai. Mais ils œuvrent aussi pour eux mêmes. Pour (re) donner un sens à leur existence, pour se valoriser, voire pour éviter de passer tous les dimanches chez belle-maman. En tout cas, ils trouvent toujours quelque chose dans leur engagement. Des emmerdements certes, mais aussi de belles satisfactions.
Mon expérience présidentielle n'a pas fait exception à la règle. C'était au début de ce siècle et ça a duré six ans. D'autres ont fait beaucoup plus et je les admire parce qu'il faut avoir des nerfs.
Inévitablement, dans cette fonction, vous êtes un jour ou l'autre confronté aux célèbres et redoutables « Y'a qu'à », « Faut qu'on » ou yaka, faucon, si vous préférez.
L'emmerdeur a besoin d'entendre qu'il a raison. Ça l'apaise.
À force, j'avais mis au point une botte secrète pour les affronter. Lorsqu'un « Faut qu'on » - qui n'était peut-être pas tout à fait faux – avait fini d'exposer toutes ses théories, je lui répondais : « Vous avez parfaitement raison. Pouvez-vous vous en occuper et mettre en place les solutions pour résoudre ce problème ? ». Bien emballé, en général ça mettait un terme définitif à la discussion.
L'emmerdeur a besoin d'entendre qu'il a raison. Ça l'apaise.
Selon le même principe, j'avais développé une technique pour mettre fin aux palabres lorsque, au cours d'une réunion, on analysait un événement qui n'avait pas tourné comme il aurait dû, un dysfonctionnement quelconque ou autres petits plaisirs de la vie associative : la technique du « Mea culpa ». Méthode qui, notez bien, peut également servir dans la vie de couple.
Elle consiste une fois encore à dire « Vous avez raison » avant d'enchaîner sur « Excusez-moi, sur ce coup-là, je me suis trompé. » Ou « J'ai fait une erreur » ou, plus trivial, « J'ai merdé. » Parfois, je le pensais un peu. J'estimais que j'avais effectivement ma part de responsabilité dans ce qui était parti de travers. Mais d'autres fois, je ne le pensais pas du tout, ce qui ne m'empêchait pas de le dire quand même. Parce que cette phrase avait l'avantage de clore la discussion, nous permettant de passer au point suivant et d'aller boire un coup plus vite.
Attention toutefois, cette technique ne fonctionne que lorsque personne n'a envie de prendre votre place. Là encore, la remarque vaut aussi pour la vie de couple.
Mais, même bien entraîné, on n'est jamais à l'abri d'une surprise. Et comme dans un bon polar, c'est au moment où vous vous y attendez le moins que le coup bas arrive. Comme va vous le prouver cette histoire absolument véridique.
Un week-end, notre équipe « poussins », c'est-à-dire les plus jeunes, devait aller disputer un tournoi dans les Ardennes. Et tant qu'à faire, au beau milieu de nulle part, sur les bords du lac de Bairon où le Conseil général, pas encore départemental à l'époque, avait eu l'idée surprenante de construire un très beau gymnase. Surprenante, parce que cette salle des sports était située en pleine campagne, loin de tout groupe important de population et donc de clubs sportifs pouvant l'utiliser régulièrement. Mais elle avait l'avantage d'être à peu près à égale distance de Charleville-Mézières, Sedan et Rethel, ce qui évitait, m'a t-on dit, de froisser l'une de ses trois communes. Je n'ai jamais vérifié l'information, mais depuis que l'on a planté une gare TGV à Ablaincourt-Pressoir, au milieu d'un champ de betteraves picardes, je m'attends à tout.
Toujours est-il qu'il fallait trouver un hébergement à ces chers bambins sur roulettes, le plus pratique s'avérant être un hôtel de chaîne à Charleville. Sachant par expérience que pour ces catégories de jeunes, beaucoup de parents aiment accompagner leurs enfants, je propose d'effectuer une réservation globale. Afin que tout le monde se retrouve dans le même hôtel et pour faciliter l'organisation générale. S'ensuit un montant à payer : une fois ôté le coût de l'hébergement des enfants pris en charge par le club, je divise le reste à payer par le nombre de parents accompagnateurs. Pouf-pouf, ça fera 30 euros par personne.
Le tournoi se déroule et la semaine suivante, je vois arriver dans le bureau du club le père d'un des jeunes joueurs. Confiant sur les conditions dans lesquelles ce déplacement s'était effectué, je lui demande, guilleret : « Alors, content de votre week-end ? ».
Et là, douche froide : « Ben, non, je ne suis pas très content. » Inquiet, je l'interroge sur les raisons de cette insatisfaction : « Je me suis rendu compte que si j'avais réservé ma chambre d'hôtel par mes propres moyens, ça m'aurait coûté moins cher. »
J'accuse le coup. Poliment, je lui explique mon mode de calcul, en passant sous silence le temps que j'avais passé à organiser le déplacement. Et, pour me débarrasser le plus vite possible de celui que je considère maintenant comme un importun, je lui propose : « Si vous vous estimez lésé, le club pourra vous rembourser la différence. » Et là, je sens qu'il mollit un peu. Il décline l'offre en parlant d'une question de principe. D'un naturel curieux et parce que je me dis que j'avais peut être mal négocié le prix des chambres, je lui pose quand même cette dernière question : « Pour mon information personnelle, combien auriez-vous payé si vous aviez pris cette chambre par vos propres moyens ? »
« 29,50 € » qu'il me répond. Sans rire.
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