Podium, ça s'appelait. Les billets d'humeur de la rédaction sportive dont je faisais partie à l'époque. C'était chacun son tour, en fonction de son inspiration.
J'aimais bien cet exercice. Écrire court, si possible de manière assez percutante. Ça pouvait avoir un petit côté donneur de leçons, mais on pouvait aussi se lâcher un peu, ça ne fait pas de mal.
Ma maman aussi aimait bien mes « Podium ». Ce n'était pas une lectrice objective, mais une vraie maman, fière de ses enfants. Durant toutes ces années, elle les a découpés (les articles, pas ses enfants) consciencieusement dans le journal, les a collés sur des fiches cartonnées en indiquant la date de parution. Le tout bien rangé dans une jolie boîte métallique.
Cette boîte, aujourd'hui, elle est chez moi et récemment, j'ai plongé mon nez dedans. Entre autres « Podium », je suis tombé sur celui titré « À question idiote... ». Ce n'est pas ce que j'ai fait de mieux, mais le sujet m'a interpellé. Je m'émouvais de l'aspect rengaine des réponses faites par les sportifs durant les interviewes. Genre : « C'est un bon point, mais rien n'est fait, on prend match par match », « Ça va nous mettre en confiance », « On a manqué d'efficacité », etc, etc.
Et une fois que j'avais relevé la platitude de ces réponses entendues maintes et maintes fois, touché par la grâce, ou un éclair de lucidité, je me demandais si, finalement, ce n'était pas nous (les journalistes) qui posions des questions à la con. Simple posture ou début de remise en question ? Va savoir. Je me méfie un peu du type qui a écrit ça...
Et cette question de savoir « si, finalement, c'était moi le responsable ? », je me la suis posée plusieurs fois et notamment lors d'un épisode universitaire. J'ai accepté un jour – volonté de relever un challenge et d'arrondir mes fins de mois – de donner des cours à des étudiants. En Gestion des entreprises et des administrations (GEA) au sein d'un IUT.
Des cours de quoi ? Excellente question, je me la pose encore. La seule chose que je savais, c'est que j'avais six groupes de première année – des jeunes qui venaient juste d'obtenir le bac donc – une heure par semaine durant un semestre. Et que je devais leur causer de « Faits et idées du monde contemporain ». C'est vague.
Mais c'est pourtant avec cette seule « consigne », sans que l'on m'ait fixé d'autres objectifs, ni même demandé le moindre plan de cours que je me suis retrouvé devant des groupes d'une vingtaine d'étudiants à faire mon One man show, moi qui n'avais jamais donné le moindre cours de mon existence. Je vous le confirme, c'est un métier.
J'avais finalement choisi de faire une sorte d'éducation civique mâtinée de débats de société censés élargir le champ des réflexions de ces jeunes gens. Pour être juste, la direction de l'établissement, m'a quand même demandé quelque chose de précis : donner une note aux étudiants à la fin du semestre. La première année, j'ai choisi la solution de facilité : un QCM, questionnaire à choix multiples. Simple, rapide. Circulez, c'est les vacances.
Et là, ce fut le grand naufrage. Avec des grands moments de bravoure dont j'ai gardé précieusement la trace.
Allez savoir pourquoi, l'année suivante, grisé par l'expérience sûrement, j'ai voulu me lancer dans un contrôle de fin d'année plus ambitieux avec des questions à développer sur des sujets évidemment abordés en cours d'année. Et là, ce fut le grand naufrage. Avec des grands moments de bravoure dont j'ai gardé précieusement la trace. Je dois vous préciser ici que tout ce qui va suivre, en italique, est ce que j'ai réellement lu sur les copies, fautes d'orthographe comprises.
Ainsi sur le thème de la place des femmes en politique, j'ai pu lire : « Dans certains pays, il y a un pourcentage de femmes obligatoires », et, sans que je sache s'il y avait des Nuances de Grey là-dessous : « Les femmes sont souvent attachés à la femme domestique ». Plus sibyllin encore : « Nous ne pouvons malheureusement pas constater une parfaite et égale évolution entre l'évolution des mœurs et le temps qui passe ».
Il y avait également un sujet sur le mode de scrutin lors des élections législatives qui m'a offert un très joli « scrutin à double tours » et le très étrange « Aux législatives, on élit le nombre de sièges ».Il y en a d'autres comme cela, mais ne soyons pas trop gourmands. Ces réponses un tantinet surréalistes restaient heureusement minoritaires, mais très honnêtement le résultat d'ensemble était assez catastrophique.
Face à ce désastre, j'avoue que ma première réaction s'est traduite à peu près ainsi : « Mais ils sont cons ou quoi... ? ». Une formulation qui n'a de question que l'apparence puisqu'en général, quand on l'emploie, c'est que l'on pense déjà avoir la réponse. Et puis, une fois passé ce moment de petite colère, j'ai eu comme un doute. Et si c'était mes cours qui n'étaient pas adaptés ? Et si je n'avais pas été assez clair, trop rapide, pas assez pédagogue ? Et si, finalement, ce n'était pas moi qui avais été le plus mauvais ?
Fort heureusement, par la suite, les rares interventions que j'ai effectuées en milieu universitaire ne prévoyaient pas d'évaluation finale. Ça m'a évité de me poser trop de questions dérangeantes.
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