Saint patron des dirigeants d'associations sportives, pardonne leur car elles ne savent pas ce qu'elles font...(Et oui, il me reste un peu de culture catho de mon enfance).
S'il y a bien une chose que mon expérience de président de club – dont je vous ai déjà narré dans ce blog quelques tribulations – m'a appris, c'est à rester zen. Y compris dans des situations où vous seriez en droit d'exprimer vertement un certain courroux. Pour causer correct.
Une des premières mesures que nous avons prises, avec les gens qui m'accompagnaient pour diriger le club de roller hockey dont je venais d'accepter la présidence, a été de recréer une équipe féminine. Il me paraissait important de permettre aux jeunes femmes qui le souhaitaient de pratiquer le sport qu'elles avaient choisi. Et de le faire correctement.
C'est-à-dire en leur donnant autant de créneaux d'entraînement que les équipes masculines et en prenant en charge financièrement, comme pour les garçons, leurs déplacements et hébergements lors des compétitions officielles.
Lisser ainsi l'offre faite aux filles avec celle des garçons était plus facile à réaliser dans notre club où l'équipe première masculine, qui évoluait au plus haut niveau français, ne comptait aucun joueur payé. Et personne ne recevait la moindre prime.
Ouvrir un magasin de chauffage électrique à Ouagadougou
Ce n'est pas que je sois un opposant farouche au sport professionnel, au contraire. C'est indirectement lui qui m'a nourri durant mes quinze années de journalisme sportif, ne crachons pas dans la soupe. Mais je suis favorable au sport professionnel quand c'est pertinent, cohérent. Payer des renforts étrangers, uniquement pour jouer, dans un sport quasi transparent sur la scène médiatique, qui se jouait dans des petits gymnases et où tout restait à faire en matière de formation des jeunes, me semblait une idée aussi incongrue que vouloir ouvrir un magasin de chauffage électrique à Ouagadougou ou se lancer dans l'installation de remontées mécaniques aux Pays-Bas. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que, malgré d'indéniables avancées, la situation ait énormément changé depuis. Pour les remontées mécaniques aux Pays-Bas, j'en suis même certain.
Mais revenons à nos filles. Leur faire la place qu'elles méritent dans ce sport n'est pas obligatoirement une sinécure. Je m'en suis rendu compte quelques années plus tard, lorsque notre club s'est vu confier l'organisation des finales de Coupe de France. Je dis bien des finales puisque pour la première fois cette année-là, on faisait se disputer en un même lieu, le même jour, la finale des femmes et celle des hommes.
Problème : traditionnellement, la finale homme était précédée d'un match exhibition d'anciennes gloires de la discipline. Enfin gloires n'est pas tout à fait le terme approprié dans la mesure où, dans le public local, personne ne les connaissait. Et pour avoir assisté aux éditions précédentes, je savais qu'à part les joueurs qui s'amusaient follement à disputer un match qui se terminait sur un score de hand-ball, ça n'intéressait pas grand monde. Je décidais donc d'avancer cet événement en début de samedi après-midi pour que les femmes puissent jouer à une heure qui non seulement leur permettait de se préparer plus tranquillement, mais surtout de le faire devant un public plus conséquent. Ça me paraissait être la moindre marque de respect que l'on pouvait leur témoigner.
Crime de lèse-majesté
Que n'avais-je pas fait là. Crime de lèse-majesté ! Des filles préférées à ces messieurs des vieilles crosses. Cette décision, à laquelle je m'accrochais vaille que vaille, me valut les foudres du lobby de ces anciens joueurs, dont un entraîneur national en tête. Rassurez-vous je m'en suis remis depuis.
Dans ce long et difficile chemin pour donner au roller hockey féminin toute la place qu'il mérite, j'avoue constater avec plaisir que le club de Cherbourg devient une référence nationale en matière de politique sportive féminine dans cette discipline. Et le fait que mon premier fils, qui y est entraîneur, y soit pour beaucoup, n'est évidemment pas pour rien dans cette petite satisfaction. Même si, il faut bien le reconnaître, je n'y suis absolument pour rien.
Fin de la parenthèse et revenons à nos filles (bis). Car parfois dans la vie d'un président de club, comme dans celle de bien des gens, les coups peuvent aussi venir de son propre camp et ce ne sont pas les plus faciles à encaisser. « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge ».
En matière de traitement au sein du club, il faut avouer qu'il y avait quand même une différence entre les équipes. Les joueurs de l'élite masculine bénéficiaient, grâce à un partenariat avec un équipementier, d'une dotation de matériel en début de saison. Ils étaient les seuls dans ce cas. Aussi accueillais-je avec grande satisfaction la proposition d'une responsable de la communication au sein du groupe La Poste que j'avais sollicitée pour un partenariat. Elle acceptait de mettre quelques billes dans l'affaire, mais souhaitait communiquer sur l'équipe féminine.
Excellente idée ! Nous décidons donc de doter chaque joueuse d'une paire de gants de hockey. À 100 euros la paire et quinze joueuses dans l'effectif, ça faisait, à l'échelle de notre sport, une assez jolie dotation.
Avant de débuter l'entraînement, on procède à la remise des gants
Pour célébrer l'événement, je prévois une petite cérémonie de remise officielle un soir d'entraînement. Je demande aux filles d'apporter leur maillot de match pour l'occasion (Elles avaient pris l'habitude de les garder) afin que l'on fasse une photo qui ait un peu de gueule avec la dame de la Poste au milieu. Arrive le jour J et bien évidemment la moitié des joueuses – et encore je suis gentil – avait oublié d'amener leur maillot. Bon, ben on fera une photo multicolore avec des maillots tout moches.
Avant de débuter l'entraînement des filles, on procède à la remise des gants. Petits mots gentils de la dame de la Poste, clic-clac et voilà. Jouant mon rôle de président VRP jusqu'au bout, je raccompagne la dame, discute le bout de gras avec elle et redescend dans la salle. La séance des filles se termine et tout heureux de l'opération, je vais à la rencontre de ces dernières pensant, naïvement, récolter quelques lauriers pour cette dotation, la première dans l'histoire du club. Et là, j'en vois quelques-unes qui font franchement la gueule. Les gants seraient-ils de mauvaise qualité ? Que nenni, l'explication tombe : « Les garçons ont commencé leur séance à 20 heures comme d'habitude, alors nous, avec la remise des gants, on a perdu un quart d'heure d'entraînement. »
À votre avis, dans ces cas là, est-ce que l'on doit prendre des gants pour répondre ?
J'adore ton style ponctué de parenthèses. Et la finale évoquée me rappelle de biens beaux souvenirs. J'arbore encore le polo avec grande fierté.
A trop vouloir bien faire 😟…