Un Cady rouge. De chez Motobécane. C'est ce cyclomoteur que mes parents m'ont offert pour mon brevet. À moi les folles chevauchées à 30km/h, cheveux au vent puisqu'à l'époque le casque ne faisait pas partie des équipements de sécurité obligatoires. À peine s'il était suggéré.
À moi aussi la découverte des affres de la mécanique. De la machine qui refuse de se mettre en route et me plonge dans des abîmes de perplexité. Face à un des caprices de cette machine, j'ai eu recours un jour à mon papa. Qui, après un rapide examen, me livre son diagnostic : il faut nettoyer la bougie. Moi, ni une, ni deux, je me place devant l'engin, désigne le phare et demande : « La bougie, c'est là dedans ? ».
Ça a beaucoup fait rire mon papa. Pourtant ma question me semblait tenir d'une logique imparable. Qui dit bougie, dit lumière. Et qui dit lumière, dit phare. CQFD. Sauf que sur le coup, j'ai cru saisir que s'il y avait une lumière, ce n'était pas moi.
En tout cas cet épisode a eu au moins le mérite de m'apprendre deux choses.
D'abord qu' à l'évidence j'avais peu d'avenir dans le domaine de la mécanique. Notion que j'ai étendue ensuite à toute forme d'activité de bricolage.
La seconde leçon fut plutôt une découverte : celle de l'univers magique des mots. Dans lequel j'allais me plonger avec délectation durant des décennies. J'y baigne encore. Je venais d'apprendre à mes dépens que, malgré sa grande richesse, la langue française se sert parfois du même mot pour désigner des choses ou des réalités différentes.
Ainsi en va-t-il de ma bougie mais aussi d'une rame. Que l'on peut trouver, lorsqu'elle n'est pas de papier, dans une barque ou dans les souterrains où roulent les métros. Pas tout à fait pareil, même s'il est toujours question de transport.
Mais pas de transports amoureux.
Les exemples du même type ne manquent pas. Et je me souviens de la réaction du fils d'une amie qui, un jour, du haut de ses 7 ans, est resté un peu circonspect lorsqu'il a entendu parler d'un « directeur de cabinet ». Il se demandait bien à quoi pouvait correspondre cette fonction. Pour lui, le cabinet, c'était au fond du couloir à droite. Petites et grandes commissions. N'oubliez pas de tirer la chasse.
"Nous n'avons pas besoin de deux ailes pour nous balader"
Ces mots à double sens ne constituent qu'un des charmes, ou mystères, de notre langue qui aime les chausses-trappes. Et l'on a vite fait d'employer un mot pour un autre quand ils ont la mauvaise idée de se ressembler. Durant les cinq dernières années de ma carrière professionnelle, j'ai eu à relire de la copie de correspondants et de journalistes qui comprenait ainsi quelques jolies perles. J'ai eu ainsi le droit à des « pattes de fruit »,un « huit clos », « 400 euros d'amande », des « croix en taule », des « filets de macro », « On se perd en conjoncture », « Il a repris les rennes du commerce » (un classique) , des « imminents spécialistes » ou encore « la pause méridionale » au lieu de la pause méridienne. Sûrement la version « pastaga » de notre pause-déjeuner.
Même si cela m'a fait à chaque fois sourire, je n'oublie pas que je fus moi même l'auteur de quelques petites bévues du même style. En début de carrière, j'ai ainsi eu les honneurs des perles du « Canard enchaîné » avec un très réussi « Ils ont ranimé la flemme » lors d'une manifestation patriotique.
Et il y a les fautes d'orthographe ou de syntaxe. Celles dont on n'arrive pas à se débarrasser. Sauf à trouver un bon moyen mémo-technique. Institutrice, notre maman, nous en avait livré quelques uns – à moi et à mes sœurs et frère – dont un gravé définitivement dans ma mémoire. Pour éviter de nous entendre dire « Si j'aurais su », qui lui écorchait les oreilles, elle nous rappelait que « Monsieur Si n'aime pas les rais ». Que l'on peut s'amuser à écrire de plusieurs façons, dont cette version plus aquatique : « Monsieur Scie n'aime pas les raies ».
Au journal, c'est une consœur secrétaire de rédaction (on ne parlait pas encore d'éditeur) qui a poursuivi l'action de ma maman. C'est peut être pour cela que je l'ai surnommée affectueusement « Mère Grand ». Elle était pour nous tous à la rédaction une référence en termes d'orthographe et de grammaire et m'a notamment donné la solution pour ne plus confondre ballade (la chanson) et balade (la promenade) : « Nous n'avons pas besoin de deux ailes pour nous balader ». Efficace.
Elle a eu une autre fois recours à une méthode encore plus...percutante et tout aussi efficace. J'avais la sale manie d'écrire à chaque fois accueil « acceuil ». Lassée de me corriger à chaque fois la même faute, elle m'a mis une bonne claque sur les fesses en me disant : « Accueil, ça s'écrit CU comme cul ».
Croyez-moi si vous voulez : je n'ai plus jamais écrit acceuil.
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