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La reine des neiges


 

Image générée par l'IA d'un homme âgé faisant la lecture à des enfants dans une école.
Faire la lecture à de jeunes enfants. Un vrai plaisir.

 « Tu mets bien ta main à plat, comme ça. N'aie pas peur, tu vas voir, il est très gentil ». Et la dame, qui discutait avec une connaissance rencontrée dans la rue, de donner à la petite fille une croquette pour son chien. Le moins que l'on puisse dire c'est que la petite n'a pas eu peur. Ni une ni deux, une fois la croquette dans la main, elle se la met prestement dans la bouche. Pour une fois qu'on lui donne une friandise, elle ne va tout de même pas passer à côté !

Je n'aurais peut-être pas dû mais ça m'a bien fait rire. C'est pour assister à des moments cocasses, étranges ou émouvants, saisir des bribes de conversations décalées, échanger avec un inconnu pour une raison surprenante que j'adore me promener en ville. Et si vous voulez que cela vous arrive, oubliez (au moins le temps de la marche) l'écran de votre smartphone et débranchez vos écouteurs. Soyez disponible.

C'est d'ailleurs sûrement parce que j'avais une tête de « disponible » que le jeune homme qui s'apprêtait à me doubler sur le trottoir s'est arrêté à ma hauteur. « Pardon monsieur, est-ce que je suis bien rasé ? » me demande t-il poliment en soulevant le menton. Devant mon regard un peu interrogateur, il me précise : «  J'ai rendez-vous avec ma copine alors je veux être sûr d'être bien ». Me voilà donc, baguette sous le bras (je revenais de la boulangerie, me manquait plus que le béret) à inspecter la barbichette du jeune homme afin de vérifier que son rasoir n'avait pas dérapé. Je l'ai rassuré et lui ai souhaité un bon rendez-vous. Sans plus, restons correct.

Il y a parfois plus tristounet. Comme le soir où, alors que je rentrais chez moi par les allées du parc qui jouxte notre résidence, une jeune femme m'a dépassé en courant. Rien de plus normal puisque, outre le fait que je marche doucement, elle était en tenue de sport et le lieu est une autoroute à joggeurs. Ce qui est moins habituel, c'est que quelques mètres plus loin, elle s'arrête devant un banc, s'assoit et fond en larmes. Je vous jure : je ne lui avais pas fait de croche-pied et je n'avais pas dit de gros mots. Et là me voilà face à un dilemme : soit je continue mon chemin comme si de rien n'était au risque de passer pour un cœur de pierre, indifférent à la détresse de cette personne, soit je m'arrête au risque de passer pour un vieux pervers sautant sur l'occasion pour faire sa drague à deux balles à une femme qui est plus jeune que ses enfants (les miens d'enfants, pas les siens évidemment..). Je m'arrête quand même à une distance respectable et m'enquiers prudemment : « Ça va aller mademoiselle ? ». Je sais, je n'ai pas fait dans l'original mais le contexte ne s'y prêtait pas. Elle me rassure entre deux sanglots et je l'abandonne là, supputant que son chagrin n'est pas lié à une défaillance physique dont elle se trouverait fort marrie mais tient plus du dépit amoureux ou plus grave de la perte d'un être cher. Et que, du coup, je ne pouvais pas grand chose pour elle.

« C'est toi qui monte sur tes gonds ! »

Revenons à des choses plus légères avec les petites perles verbales glanées à l'occasion de mes déambulations urbaines. Et là, cette fois, le téléphone est vraiment mon allié. Pas mon téléphone mais celui des autres, ceux qui mènent une conversation dans la rue en en faisant profiter tout l'entourage.

Comme cette dame passablement énervée qui lâche à son interlocuteur : « C'est toi qui monte sur tes gonds ! ». Et pendant ce temps-là, moi, je sors mes grands chevaux.

Une autre demande à - j'allais dire « à la personne au bout du fil » mais cette expression vintage n'aurait aucun sens, sauf à avoir une grande rallonge - enfin bref, elle demande à son correspondant : « T'as pris un bouquin pour lire ? ». Je sais, on peut lire autre chose qu'un bouquin, mais lorsque l'on en prend un... Je me suis donc imaginé lui répondre : « Oui j'en ai pris un mais c'est pour caler ma table de salon qui a un pied cassé » ou « Oui mais c'est juste pour le glisser sous ma tête quand je suis allongé à la plage. »

Et voilà, quand je marche en ville, parfois je me marre tout seul. Juste à écouter ou regarder les gens.

Sinon, pour vous faire sourire, les enfants restent les rois. Et grâce à une de mes activités

de retraité, j'ai trouvé une mine.

J'ai rejoint il y a trois ans le mouvement « Lire et faire lire ». Dont le but est de sensibiliser des enfants à la lecture et aux livres. Des enfants en crèche jusqu'à l'école primaire pour l'essentiel. Sensibilisation assurée par une armée de bénévoles de plus de 50 ans (c'est une des conditions d'inscription).

J'avais entendu parler de ce mouvement à la radio alors que j'étais encore en activité et je m'étais mis ça dans un coin de la tête pour occuper ma retraite. Parce que j'ai adoré, il y a des années de cela, le moment du coucher de mes enfants, celui où je leur lisais un livre. Comme j'adore aujourd'hui le faire avec mes petits-enfants.

Les échanges sont parfois savoureux et ma barbichette, mes cheveux blancs et mes lunettes rondes sont à l'évidence une grande source d'inspiration pour les petits. À l'école primaire où je lis toutes les semaines, j'ai eu droit cet hiver à un inévitable « Bonjour Père Noël ». Plus surprenant, j'ai eu aussi le droit une fois à « Geppetto » mais la palme revient incontestablement à cette adorable petite fille de CP, aussi noire de peau que mes cheveux sont blancs. Avant que je ne commence ma lecture, elle vient près de moi, me touche les cheveux comme pour s'assurer que ce sont bien des vrais et me lâche : « Toi, avec tes cheveux blancs, t'es la reine des Neiges ».

1 commentaire


Hmmm, adorable ! Je parle de la lecture de ce récit, mais aussi des perles d'enfant ... ou des téléphoneux. ;)

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