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Photo du rédacteurChristophe Verkest

Tête en l'air

Dernière mise à jour : 4 sept. 2023


Image illustrant l’expression « avoir la tête en l’air » (photo montage Christophe Verkest)

Il y a du mieux. Je ne suis pas encore complètement tiré d’affaires mais je progresse. Les clefs et la carte bancaire continuent à représenter un risque mais je soigne ma concentration. Ces deux objets sont en effet en tête de mon hit-parade des oublis même si pour la carte bleue, l’évolution technique des distributeurs de billets m’a beaucoup aidé. Jadis, ils avaient la fâcheuse habitude de d’abord nous délivrer l’argent avant de nous restituer la carte. Si, si je vous assure. Je m’en souviens d’autant mieux que c’est à cause de ce système que je suis souvent reparti de la banque en oubliant de récupérer cette fichue carte. Qui était, heureusement, rapidement « avalée » par le distributeur, évitant à mon précieux sésame un détour par des mains malhonnêtes.

Du coup, le jour où ces machines ont eu la bonne idée de changer le processus pour commencer par nous rendre la carte avant de lâcher les billets, je me suis cru définitivement tiré d’affaires. Ne jamais se réjouir trop vite. Il y a de ça quelques années, j’ai réussi l’exploit de récupérer ma carte bancaire et de partir sans prendre mon argent ! Et tout cela avec un distributeur extérieur situé en plein centre-ville d’Amiens, un après-midi de grande affluence. On est joueur ou on ne l’est pas. J’ai quand même récupéré mes 40 euros parce qu’en rangeant ma carte dans mon portefeuille, j’ai senti que j’avais oublié un truc. J’ai très vite parcouru les 20 mètres qui me séparaient de la façade de la banque pour attraper les billets qui me tendaient les bras.

Le problème du distrait, ce n’est pas qu’il ne pense à rien, c’est qu’il pense trop au contraire

« Tu ne penses à rien ! » Comme tous les distraits chroniques, combien de fois ai-je entendu cette remarque ! Pourtant c’est faux, le problème du distrait, ce n’est pas qu’il ne pense à rien, c’est qu’il pense trop au contraire. Quand j’ai oublié mes billets dans le distributeur, bien sûr que je pensais à quelque chose. Aux livres que j'achèterai avec cet argent, à ce qu’on allait manger le soir, au dernier reportage que j’avais effectué et que je devais encore écrire. Que sais-je…

L'étourdi pense trop et ce qui peut poser problème, c’est juste qu’il ne pense pas aux bons trucs au bon moment. C’est tout.

Ce qui nous amène à un autre aspect de la distraction, celui de la concentration qui flanche. Je vous prends un exemple au hasard. Enfin presque au hasard. Vous me mettez dans un grand magasin spécialisé pour choisir la couleur des peintures de la chambre ou une nouvelle douche, enfin n’importe quel truc pour l’agencement de notre chez nous. Chez nous parce que ma compagne, ou mon épouse – ça dépend où l'on se situe dans le temps – est évidemment du déplacement. Et pour être tout à fait exact, c'est sûrement elle qui m'a entraîné ici. Là, je sens qu'il est important d’être concentré sur le sujet, mais bon... patatras, au bout de 10 minutes, et encore je suis généreux, je décroche. Je pense à autre chose. J’ai bien quelques trucs ou réponses toutes faites pour essayer d’entretenir l’illusion mais normalement la personne qui partage votre vie a un inconvénient dans ce genre de situation : elle vous connaît bien ! Et comprend vite qu’elle va encore devoir se débrouiller toute seule.

C’est un des avantages de la vieillesse, on finit par assumer ses travers

J’ai longtemps pensé que c’était mal de ne pas réussir à s'intéresser à ça. Les travaux, la déco, l'ameublement, etc. À me demander si j’étais un garçon normal et si un tel irresponsable allait réussir à faire quelque chose de sa vie. Aujourd'hui, je n'ai plus de souci avec ça. C’est un des avantages de la vieillesse - il y en a, pas beaucoup, mais il y en a - on finit par assumer ses travers, ou ce que certains estiment être des travers. Et puis surtout on ne se pose plus trop la question de savoir si on va réussir sa vie, vu que l’essentiel est derrière soi. On peut toujours se demander si on a réussi les étapes précédentes mais ça n'a guère d'intérêt. Se souvenir que l'on a été heureux ne doit pas engendrer la nostalgie mais servir à se rappeler comment faire pour continuer à l'être. Putain ! C'est puissant ce que je viens d'écrire ! Je vous conseille de le copier sur votre mur Facebook avec un aplat en couleur. Bah, c'est pas plus con que « Les gens qui frappent les animaux sont vraiment très très méchants, partage si tu es d'accord ». Et ça, ça vous fait du « like »...

Mais voilà on cause, on cause et j’en oublie mon propos de départ : la distraction. Ce qui finalement est assez logique, c'est ce qui s'appelle coller à son sujet. Parce qu'après vous avoir parlé de la carte bancaire, il faut bien aborder le problème des clefs. Celles que l’on oublie sur la table d’un bistrot, ou celles dont on se demande où on a bien pu les ranger. Celles dont on se souvient qu’on les a laissées sur la table de la cuisine juste au moment où l’on vient de claquer la porte d’entrée. Qui ne s’ouvre pas sans les clefs qui sont sur la table…

Avec un tel message de prudence, normalement, il ne peut rien m’arriver

Dans ce domaine, c’est une voiture qui m’a posé le plus de problèmes. Une Ford Fiesta dont j'ai souvent verrouillé les portières en laissant la clef de contact à l'intérieur. Manœuvre possible en cette fin de XXe siècle. Il suffisait de pousser le petit « pipion » en position fermée et de claquer la porte en levant la poignée. Petit oubli qui n’était jamais sans vous mettre dans l’embarras. Jusqu’au jour où, n’ayons pas peur des mots, j’ai réalisé mon petit chef d’œuvre en matière d’étourderie.

Peu de temps avant, j'avais encore enfermé mes clefs à l’intérieur du véhicule. Aussi, lorsque j’ai glissé ma carte dans la borne d’entrée du parking en face du journal, je me suis dis « Christophe, concentre-toi, pense bien à retirer les clefs avant de fermer la portière de la voiture ». Avec un tel message de prudence, normalement, il ne peut rien m’arriver. Sauf que l’entrée du parking se faisait au - 2 et que je garais mon véhicule au +2. Soit un trajet qui devait bien me prendre 37 secondes. Largement suffisant pour que mon esprit se décide à vagabonder je ne sais où. Résultat, je sors de la Ford, j’appuie sur le « pipion », je claque la porte. Et au moment où j’accomplis ce dernier geste, un éclair de lucidité, hélas trop tardif pour éviter l’issue fatale : « Et merde… j’ai encore oublié ». Je suis prêt à me traiter de tous les noms et à fustiger le boulet que je suis quand un détail attire mon attention… J’ai laissé la vitre ouverte ! Quand le distrait est sauvé par son étourderie. Ou l’étourdi sauvé par sa distraction. Ça marche aussi.


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1 commentaire


Patrice Delrue
Patrice Delrue
29 août 2021

u nous entraines sur des pistes de réflexion philosophique(s).... ;) Dans l'attente du prochain ... si tu y penses ! ;)

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