J'avoue, je me suis moqué. Il y a quelques années de cela, je me suis moqué de ces échanges entre vieux – enfin, entre gens que je trouvais vieux à l'époque – qui tournaient toujours autour de leurs petits ou grands problèmes de santé. Et puis l'autre jour, je me suis dit « Putain, ça y est, c'est mon tour ». Nous étions, Carole et moi, avec des amis de notre génération et ça faisait un quart d'heure que nous discutions soucis de santé. « Je me suis fait opérer de ceci », « Moi je vais me faire opérer de cela », « Mon dos me fait de nouveau souffrir », « Je ne peux plus courir à cause de mes genoux », « Faut que je prenne rendez-vous chez l'ophtalmo » ,« Je connais une excellente audioprothésiste » (c'est vrai en plus), etc.
Est-ce vraiment là le signe que nous avons basculé du côté des vieux ? À partir de quand est-on vieux ? La réponse à cette question dépend énormément de l'âge à laquelle on se la pose.
À 18 ans, on trouve qu'un mec de 40 ans est vieux (si, si, rappelez vous). À 30, sentant déjà le vent tourner, on repousse le curseur à 50 ans. À 40 – la fameuse crise de la quarantaine – on se pose tellement de questions, qu'on se soucie moins de la place de ce curseur. À moins, et c'est fort probable, que ce soit justement parce que l'on s'en soucie beaucoup que l'on se pose plein de questions. À 50 ans, on a repoussé la notion de vieillesse après la retraite. Et à la retraite, on se dit, que, pour peu que l'on tienne jusque là, on sera vieux à 80 ans.
C'est rigolo d'ailleurs, depuis que j'écris ce mot « vieux » (c'est la septième fois depuis le début de ce texte), je mesure à quel point il a...vieilli. Exit les vieux, bonjour les seniors, le troisième âge, les personnes âgées et vive la Silver économie ! Ça fait plus présentable, visiblement.
Je fait des débats avec moi-même. Je confronte mes idées contradictoires
Tant pis pour la présentation, je garde vieux. Pour une autre interrogation : à partir de quand est-on vieux dans sa tête ? Je me suis posé la question l'autre jour en croisant une dame dans la rue. J'adore me poser des questions. Je fait des débats avec moi-même. Je confronte mes idées contradictoires. C'est agréable parce que ça reste toujours très courtois. Et l'avantage, c'est que je sais qu'à la fin, c'est un de moi qui aura raison. À condition, évidemment, que j'arrive à m'entendre.
Et là pour le coup, je vous raconte un peu des carabistouilles parce que ce débat j'ai commencé à le mener avec mon amoureuse. Nous venions donc de croiser une dame, la soixantaine environ, habillée avec une jupette et des collants flashy que l'on aurait plutôt vu portés par une adolescente. Après tout, pourquoi pas. Certes, ça pique un peu aux yeux, mais cette dame a le droit de s'abstenir de suivre les codes vestimentaires du plus grand nombre, de s'habiller comme ça lui chante, ça ne gêne personne.
Sauf que...Lorsque je l'ai croisée, si je suis honnête (ça m'arrive de temps en temps) ce n'est pas ce que j'ai pensé. Je l'ai trouvée un poil pathétique à ne pas vouloir se voir vieillir en s'attifant ainsi. Alors qui a raison ? Le Christophe qui réfléchit ou celui qui réagit ? Je vous laisse cogiter là dessus, je ramasse les copies dans deux heures. Avant de tenter de répondre à la question suivante. Ou plutôt aux questions : quand et comment sait-on que notre âge nous impose de passer à autre chose ? En termes vestimentaire certes, mais aussi pour les activités physiques, le travail, etc.
Roger Biot, confrère devenu ami malgré notre différence d'âge
Pour ce qui est du travail, j'ai enregistré, il y a déjà de nombreuses années de cela, une jolie leçon que je n'ai jamais oubliée. Je la dois à un de mes confrères normands, Roger Biot, confrère devenu ami malgré notre différence d'âge (Il avait presque 30 ans de plus que moi).
Lorsque nous avons fait connaissance, à la fin des années 80, Roger couvrait le hockey sur glace pour « Paris Normandie », et suivait donc les Dragons de Rouen . Comme moi je faisais de même avec les Gothiques d'Amiens, nous nous retrouvions assez souvent et nous avions pris l'habitude de dîner ensemble les soirs de match entre « nos » équipes. J'appréciais sa culture, la finesse de ses analyses, son esprit malicieux et son indéniable talent journalistique. Lorsqu'il a pris sa retraite, il a continué à évoluer dans le milieu du hockey en étant le premier rédacteur en chef de la revue « Hockey Magazine », à laquelle je collaborais également.
Deux ou trois ans peut-être après sa « prise de fonction », il a souhaité cesser cette activité. Alors que je n'avais pas encore 40 ans, je me souviens très bien du moment où il m'a fait part de cette décision. Nous étions en tribune de presse dans la patinoire rouennaise et je l'ai interrogé sur les raisons de cet arrêt. Il m'a répondu : « Je veux m'arrêter avant que l'on dise « Ce vieux Roger, il ne voit plus clair, il n'a rien compris, il ferait bien de passer la main ».
Ça m'a scotché, tellement il était vif d'esprit, en pleine possession de ses capacités intellectuelles. Ça m'a impressionné qu'il puisse avoir ce type de réflexion et je me suis dis « Mets-toi ça dans un coin de ta tête et sache t'en souvenir au moment opportun. »
C'est bien pour cela que l'idée même de faire du rab lorsque j'ai atteint l'âge légal de la retraite, avec tous les trimestres qu'il fallait, ne m'a même pas effleuré l'esprit. Dans un monde où tout évolue extrêmement vite, on a vite fait de lâcher l'affaire. Face aux changements, j'ai toujours voulu devancer les choses, estimant qu'être devant restait le moyen le plus sûr de ne pas être largué. J'ai surtout voulu éviter - pour parler comme les sportifs - « de faire l'année de trop ». Que l'on me fasse sentir un jour que j'étais devenu un boulet.
Nulle trace d'humilité là-dedans. C'est même tout le contraire. Que de la fierté. Le désir fort de ne pas être ce coureur relégué en queue de peloton. Celui qui s'accroche désespérément mais qui, inexorablement, voit les autres concurrents grappiller petit à petit les mètres pour le laisser finir seul son dernier tour de piste. Une image qui aurait plu à Roger.
Le hasard a voulu qu'il décède, en ce début d'année 2021 des suites du Covid, à 91 ans, le jour même où j'ai mis les pieds à « Paris Normandie » pour débuter le dernier acte de ma vie professionnelle. C'est en effet dans « son » journal, celui où il a effectué l'essentiel de sa carrière, qu'un an après ma retraite, j'ai signé un CDD pour accomplir une mission de formation. Clore le chapitre professionnel en transmettant des connaissances que l'on a acquises durant sa carrière, c'est finalement une manière de terminer devant. En tout cas, c'est une façon de voir les choses qui m'arrange.
Mon premier coup de vieux ? Lors d’un repas entre amis chez moi, lorsqu’une certaine Laurence m’a dit : « Mais, t’as l’âge de ma mère ! »
Alors, maintenant, j’ai fait mienne la réflexion de Keith Richards
( j’adore les Stones !) : « Je ne vieillis pas, j’évolue ».
Et salut à tous vieux ou ceux qui le seront peut-être un jour !
Ma première année de retraite fut particulière. Chaque fois que je croisais un "travailleur", je me disais : "Tiens, un jeune !"
Ne sommes nous pas de jeunes retraité.e.s ?
C'est quand qu'on est vieux ??? toujours pas trouvé la réponse 😂