J'ai frappé au carreau comme on m'avait demandé de le faire. Et là, j'ai vu leurs petites bouilles. Normalement, je devrais écrire « émerveillées », ça serait plus dans le ton. Mais ça ne serait pas exact, disons curieuses voire inquiètes, même si ce n'était évidemment pas le but recherché.
En 65 ans, j'ai vécu pas mal de choses différentes, parfois surprenantes, mais débouler déguisé en Père Noël au beau milieu de la fête d'une crèche pour aller distribuer des cadeaux à des enfants avec qui je n'ai aucun lien familial et me faire mitrailler par leurs parents avec leur progéniture sur les genoux, j'avoue, je ne l'avais pas vu venir.
Je n'ai simplement pas oser dire non à la responsable de cette crèche quand elle me l'a demandé. Une crèche où je vais faire la lecture aux enfants tous les mercredis matin. J'aime bien.
Je n'ai pas osé dire non pourtant j'ai un problème avec Noël. Une période de l'année qui provoque chez moi des sentiments contradictoires. Entre joie de réunir un moment sa petite famille – ou tout du moins une partie – ce qui est toujours une fête, et la désagréable impression de sacrifier au « trop ». Trop de cadeaux, trop de nourriture. Et surtout au côté « passage obligé ». Mais allez revendiquer que le sapin, les décorations, les paquets cadeaux, le foie gras et la bûche, ça ne vous excite pas plus que ça ! Voire même que ça peut vous rendre un poil morose. Vous allez vite passer pour un vieil ours sans cœur, un pisse-froid qui ne sait pas profiter des beaux moments de la vie.
Un des choix que vous aviez fait sur le catalogue, en découpant bien les images pour les coller sur la lettre au Père Noël.
Pourtant, j'ai aimé Noël. Enfant. Comme beaucoup d'enfants. Ce moment où vous attendiez, impatient, le cadeau qui devait renfermer un des choix que vous aviez fait sur le catalogue, en découpant bien les images pour les coller sur la lettre au Père Noël. Un jouet qui allait vous occuper un bon bout de temps parce qu'il n'y en avait pas cinquante au pied du sapin.
J'ai aimé Noël aussi comme jeune papa. Un moment de bonheur familial, le plaisir de voir ses enfants s'émerveiller en découvrant ce que contenaient les paquets au pied de l'arbre. Emouvant, forcément émouvant. Voyez que je ne suis pas aussi grincheux qu'on aurait pu le croire. Bon, un peu quand même...
Et puis j'ai eu peur de Noël. Parce que la vie nous avait amené, la maman de mes enfants et moi, à nous séparer. Accident de la vie, ça arrive. Et dans ces cas-là, le moment des fêtes de fin d'année, déjà casse-tête en temps normal (On va chez tes parents, chez les miens ? C'était chez qui l'année dernière ?etc.) devient source d'angoisse. On a beau tenter de montrer, bravache, une certaine distance avec les conventions, l'idée de passer Noël sans ses enfants (tant qu'ils n'ont pas encore l'âge d'aller vivre leur vie en dehors du foyer familial) n'a rien de réjouissant. Mais on s'est adapté.
Et finalement, cette période est venu me rappeler combien cette fête et le plaisir d'avoir ses enfants autour de soi pouvait être important pour des parents. Et à une époque où j'étais encore à la fois père et fils, j'ai retrouvé goût à Noël. Moment où nous nous retrouvions avec mes frère et sœurs pour passer le réveillon en compagnie de nos parents. Heureux de participer à un moment qui leur procurait beaucoup de bonheur. Mais aujourd'hui, mes parents sont partis.
Cycle de la vie, sont alors arrivés les petits-enfants. Qui eux en sont à la première étape de mon histoire. Celle où l'enfant aime Noël et ses cadeaux. Même si la tendance actuelle conduit à une surabondance de paquets au pied des sapins qui m'ennuie un peu. Je ne sais pas quand le virage a été pris. Avant, Noël c'était le cadeau de nos parents. Point. Aujourd'hui, tout le monde s'y met : grands-parents, oncles, tantes, amis de la famille, etc. Je ne vais pas vous la jouer « c'était mieux avant », ça serait mal venu de ma part, mais c'est sûr que ça a changé.
Du coup, quand votre petit-fils ou petite-fille ouvre son cadeau, ça perd un peu de son côté extraordinaire. Ce n'est pas de leur faute.
Bon là, on sent que l'auteur brûle d'envie de dire quand même que c'était mieux avant. Mais il peut pas. Cela dit, comme il n'est pas à une contradiction près, il peut peut-être quand même.Fin de la parenthèse.
Parce que l'essentiel, c'est que nous nous retrouvions
Les parents de ces jeunes enfants (mes enfants donc), eux, en sont à la deuxième étape de mon histoire. Avec l'émotion, le moment de bonheur familial, tout ça, tout ça. C'est normal. Il faut juste qu'ils soient bien préparés pour le marathon des gueuletons. Et qu'ils profitent de ces moments. Comme je l'ai fait avant eux.
Et quand ils viendront chez nous, il y aura évidemment des cadeaux, un bon repas, des bonnes bouteilles, mais comme j'ai la très nette impression que mon amoureuse prend la même distance que moi avec Noël, il n'y aura pas de sapin, ni de tralala. Mais pour autant, on n'aura pas les boules. Bien au contraire.
Parce que l'essentiel, c'est que nous nous retrouvions.
Parce que nonobstant toutes ces interrogations et sentiments confus, j'ai la certitude que si je restais seul dans mon coin pour échapper à la frénésie de Noël, je serais malheureux comme les pierres.
Parce qu'en regardant mes petits-enfants ouvrir leur cadeau, je me souviendrai que j'ai été enfant et jeune papa.
Parce qu'en les embrassant, j'aurai la larme à l'oeil.
Parce qu'en trinquant avec mes fils, mes belles-filles et mon amoureuse, je serai heureux.
Et je pourrais même leur raconter que j'ai fait Père Noël dans une crèche. Ultime preuve que je ne suis pas complètement perdu pour la cause.
lendemain de Chimay bleue, tout le monde est inspiré et heureux ! Merci Christophe pour ce moment magique ! belles fêtes en famille