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Photo du rédacteurChristophe Verkest

Mention « coup de bol »

Les examens c'est comme les compétitions sportives : il faut être bon le jour J.

Ça aurait pu être l'acte fondateur de l'esprit rebelle que j'aurais bien aimé avoir. Et que j'attends toujours. Ça ne date pas d'hier, de 1972 si j'ai bien compté, pourtant je me rappelle très bien de la scène. Nous habitions à Abbeville à l'époque et je marchais Chaussée du Bois pour rentrer à la maison. C'était la veille du passage de l'épreuve du brevet qui devait couronner ma brillante année de troisième. Et voilà que sur mon chemin se dresse une échelle, posée contre une façade. Je m'apprête à la contourner en me rappelant que ça porte malheur de passer sous une échelle et qu'une journée avant l'examen, ce n'est pas le moment de prendre des risques inutiles. Et puis je me ravise. En me disant : « Allons Christophe, ce ne sont que des balivernes et tu vas le prouver en passant sous l'échelle ».

Bon, balivernes a beau avoir un petit côté vintage qui colle bien avec l'époque de cette histoire, il y a fort à parier que je n'ai pas utilisé ce mot ce jour-là. Je ne causais pas encore précieux comme maintenant. J'ai plus sûrement dit : « C'est des conneries tout ça.. ». Et je suis passé sous l'échelle. Et j'ai eu mon brevet. Certes, je ne prenais pas un gros risque, le brevet à cette époque c'est un peu comme le bac aujourd'hui, il fallait vraiment y mettre du sien pour le louper.

Je ne suis donc pas superstitieux et je ne peux pas croire que cet acte d'une incroyable audace – passer sous une échelle – ait eu, par un curieux effet inverse, une incidence sur mes réussites aux différents examens que j'ai eu à passer par la suite. Pourtant, force est de constater qu'à chaque fois j'ai eu du bol.

Arrivé en Terminale, je parlais allemand comme une vache espagnole

Ça a commencé avec le bac. J'étais en Terminale A, qu'aujourd'hui on appelle L. Ce qui veut dire qu'à la prochaine réforme, ça devrait s'appeler Terminale W.

Il me restait quinze jours de révision avant le jour J. Le programme c'était philo et allemand à l'écrit, histoire-géo et maths à l'oral. Oui, oui, maths à l'oral. J'avais fait allemand première langue parce qu'à l'époque les parents soucieux que leur rejeton « tombe » dans une bonne classe de sixième, avec des élèves sérieux qui ne viendraient pas perturber la concentration du petit génie, choisissaient cette option germanique, laissant l'anglais au commun des mortels. Dans mon cas, très honnêtement, ça n'a pas vraiment marché. Parce que finalement c'est plutôt moi qui ai dissipé les autres et arrivé en Terminale, je parlais allemand comme une vache espagnole. Même pas franquiste en plus.

Toujours est-il qu'au moment de réviser, je me suis dit que ce n'était pas en quinze jours que j'allais apprendre à parler allemand. J'ai donc laissé tomber.

Idem pour les maths. Je n'avais jamais rien compris à ce truc-là, il n'y avait aucune chance que ça change. Impasse.

La philo, pour moi c'était un truc, tu l'as ou tu l'as pas mais ça ne se travaille pas. Si tu sais poser des questions qui font des nœuds au cerveau en ne cherchant surtout pas à trouver les réponses, t'as des chances. Je cochais bien toutes les cases, je me suis donc abstenu de réviser. J'ai juste parcouru quelques notes sur les mythes, parce qu'une rumeur persistante les annonçait parmi les sujets. Ce fut effectivement le cas, « Les mythes peuvent-ils disparaître de notre culture ? ». Vous avez quatre heures. J'ai pris ça, évidemment. Ça a bien marché. Premier coup de chance.

J'ai tout de suite parlé d'Hitler, puis de Staline et du pacte germano-soviétique

Restait l'histoire-géo. Mon point fort. Alors là, je l'ai bossée dur. Et j'ai tiré « la politique extérieure d'Hitler » comme sujet. Je pouvais difficilement tomber mieux, c'est un des épisodes du programme que je préférais. En géographie, je ne me souviens plus. Durant l'année, notre prof nous avait expliqué qu'au bac, il valait mieux débuter par son point faible afin de garder le meilleur pour la fin et laisser son examinateur sur une bonne impression. La logique, dans mon cas, aurait voulu que je commence par géographie. Mais j'ai fait comme avec l'échelle du brevet, je me suis ravisé. Et j'ai tout de suite parlé d'Hitler, puis de Staline et du pacte germano-soviétique. L'examinateur m'a posé des questions et, au fil du temps, nos échanges ont pris des allures de conversation. Et voilà, on cause, on cause et le temps passe. « Ah ben, on ne va pas avoir le temps de faire la géo, mais compte tenu de ce que vous m'avez montré en histoire, je pense que vous devez être bon en géographie ». Et il m'a collé un 18.

Alors si, comme prévu, j'ai bien récolté deux bonnes bananes en maths et en allemand, avec ça et la philo, j'ai décroché le précieux sésame. Fingers in the nose. Je le savais bien que j'aurais dû faire anglais.

À ce niveau-là, vous allez me dire, ce n'est plus de la réussite, c'est de l'escroquerie. Que nenni ! Les examens c'est comme les compétitions sportives : il faut être efficace le jour J. Pas la veille, ni le lendemain. Croire en votre bonne étoile et servir à vos examinateurs ce qu'ils attendent de vous. En sachant qu'il vaut mieux mal jouer et gagner que bien jouer et perdre.

Sur les étals, mon regard s'arrête sur une sorte de catalogue de la presse quotidienne française

C'est dans cet état d'esprit que je me suis présenté au concours d'entrée à l'IUT de Tours, section journalisme, deux ans plus tard. Entre-temps, je m'étais perdu sur les bancs de la fac d'histoire. Deux années au cours desquelles j'ai failli perdre mon goût pour l'histoire tout en progressant énormément au tarot et un peu au triple saut, et en écumant les zinzins. Mais c'est une autre histoire.

À Tours, on était entre 300 et 400 à se présenter pour 30 places. Il ne fallait donc pas se louper et avoir un poil de chance. La veille – et oui encore la veille, comme l'échelle du brevet – de partir à Tours, je me promenais dans les allées des Nouvelles Galeries à Amiens. Qui ne s'appelaient pas encore les Galeries Lafayette et où à l'époque on vendait aussi des livres. Sur les étals, mon regard s'arrête sur une sorte de catalogue de la presse quotidienne française présentant chaque titre. Par pure curiosité, qui lorsque l'on est journaliste n'est pas un vilain défaut mais une qualité professionnelle, je regarde ce que l'on peut bien dire du Courrier Picard. Et c'est là que j'apprends que c'est une SCOP, une coopérative ouvrière née à la Libération sur les cendres du « Progrès de la Somme ». Ce que j'ignorais complètement à l'époque. Tout comme j'étais loin de me douter de l'importance qu'allait prendre ce journal dans ma vie. Assez rapidement d'ailleurs.

Me voilà donc à Tours ou après différentes épreuves écrites, le concours se termine par un entretien avec un professeur de l'établissement et un journaliste. C'était évidemment le rendez-vous qui devait permettre de départager les candidats, celui où l'on tentait de mesurer votre motivation en vérifiant si vous aviez de l'appétence pour l'information et une bonne connaissance de la vie des médias.

Le journaliste lit ma fiche, voit que je viens d'Amiens et, je vous le donne en mille Émile, sa première question porte sur le quotidien régional implanté dans cette ville.

-Vous connaissez ce journal ?

-Oui ,bien sûr, c'est le Courrier Picard.

-Et vous connaissez sa spécificité ?

-Évidemment ! C'est une SCOP...



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1件のコメント


Patrice Delrue
Patrice Delrue
2020年11月22日

Bien joli souvenir ... dans lequel je me retrouve un peu aussi pour ce qui concerne les exams et autres concours (qui n'étaient pas que de circonstances...). Et sympa le scoop sur la scop. ;)

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