« C'est vous le journaliste d'Amiens ? ». C'est un employé de la patinoire de Briançon qui me pose la question. Je viens d'y débarquer pour suivre le match de hockey sur glace entre l'équipe locale et celle d'Amiens. « Votre journal a appelé, il faut que vous les rappeliez ». Ah oui, nous sommes à la fin du XX° siècle et le téléphone portable n'existe pas encore. Ou alors il pèse 4 kilos, a une autonomie de quinze minutes et ne permet de téléphoner qu'une fois sur dix. Enfin bref, je n'en ai pas et je passe donc mon coup de fil d'une cabine. « Les ouvriers du livre sont en grève, on ne paraît pas demain ». Là c'est mon chef de service qui cause. Aujourd'hui, on ne dit plus chef, on dit « manager », ça fait un anglicisme de plus, mais pour le reste ça ne change rien. Et mon chef vient donc de me signifier que j'ai passé ma journée dans le train pour finalement ne pas pouvoir bosser. C'est ballot.
D'autant que Briançon, c'est de loin le déplacement le plus chiant : Amiens-Paris, Paris-Lyon en TGV, Lyon-Grenoble et enfin Grenoble-Briançon. Interminable.
Demain, il faut se lever tôt pour repartir dans l'autre sens
C'est rigolo d'ailleurs le nombre de gens qui ont pu me dire lors de mes années de journalisme sportif : « Tu vas à Briançon (mais ça marchait aussi avec Chamonix, Gap, etc.), t'as de la chance ! ». Ben oui, si t'aimes le train. Pour eux, ça devait évoquer les pentes enneigées, le planté de bâton, les vaches avec des grosses cloches et la fondue. Alors qu'en descendant du train, tu allais poser ton sac dans la chambre d'hôtel (pas trop cher l'hôtel, faut que ça rentre dans la note de frais), tu partais à la patinoire, tu suivais le match. Écriture du compte-rendu, interviewes, recherche d'un endroit encore ouvert pour dîner, puis dodo parce que, demain, il faut se lever tôt pour repartir dans l'autre sens. Sans avoir eu le temps de faire coucou aux vaches avec des grosses cloches.
Bon, je ne vais pas vous faire pleurer. J'aimais ça. J'aime bien être en voiture, en train, en avion. Bouger. Et j'adore les lieux de transit. Un peu moins les gares qui sont souvent tristounettes, voire carrément glauques. À quelques exceptions près : Porto, par exemple, ou Anvers, qui valent le coup d'œil. Mais, je n'y prends pas le train tous les jours non plus. Par contre, je nourris une véritable passion pour les aires d'autoroutes. Pas celles avec juste un petit blockhaus pour faire pipi, non celles avec des stations services, des machines à café, des vitrines réfrigérées pour choisir des sandwiches tout mous qui coûtent un bras et des souvenirs ou produits du coin au cas où vous auriez oublié le cadeau à rapporter de vos vacances pour tata Josette. Qui va donc se retrouver avec un joli pot en grès de moutarde à l'ancienne de Dijon alors que vous étiez dans le Lubéron. Mais bon, c'est en Bourgogne que vous avez fait le plein d'essence.
Sur l'autoroute, nécessité fait loi
J'adore l'ambiance qui règne dans ces lieux, ne me demandez pas pourquoi. J'ai même pensé un jour éditer un guide des aires d'autoroutes avec les différents services, la propreté des lieux, etc. Mais je me suis vite rendu compte que c'était idiot. Sur l'autoroute, nécessité fait loi. On s'arrête quand on en a besoin, pour satisfaire une envie pressante, mettre de l'essence, prendre un café, manger un morceau. Et la première aire venue fait l'affaire. Quoique... J'ai en tête une aire sur l'A39, du côté de Dôle, pour laquelle je suis capable de calculer mon coup afin d'avoir besoin de m'y arrêter quand je passe devant. Mais je ne connais pas grand monde qui partage cette passion pour les aires d'autoroute.
Ce qui est drôle, quand je me remémore tous ces déplacements et ces voyages, c'est qu'il ne m'est finalement pas arrivé grand chose. Je sais, il y a mieux pour appâter le lecteur. Déjà, je ne me suis jamais trompé de date, ni de lieu. Parce que je connais des voyageurs confirmés qui peuvent s'emmêler les pinceaux dans leur destination et partir dans le mauvais sens.
À l'intérieur, pas moyen de s'asseoir à nos places
En train, je n'ai même jamais loupé une correspondance. Compte tenu de ce que je lis ici ou là sur la ponctualité de la SNCF, ça semble tenir de l'exploit. J'ai failli un jour, mais c'était de ma faute. Je partais pour Chamonix. Arrivé gare du Nord à Paris, je m'engouffre dans le RER direction gare de Lyon pour aller chercher mon TGV. Un trajet que j'avais fait maintes et maintes fois. À la gare de Lyon, je lis sur le panneau d'affichage que mon TGV part de... la gare du Nord. Mesure exceptionnelle due à la date : un samedi de février, jour de départ vers la montagne pour bon nombre de vacanciers. Hop, demi-tour. J'avais heureusement un peu de marge.
Sinon pas grand chose à signaler, si ce n'est un retour sportif en avion depuis le Pakistan en 1990, ça remonte un peu.
Ah, et puis une petite mésaventure en famille. Un retour de vacances en Corse avec mes deux fils et leur mère. Aéroport de Figari. Nous embarquons dans l'avion qui doit nous ramener à Paris. Petit l'avion, je trouve. À l'intérieur, pas moyen de s'asseoir à nos places. Non pas que des passagers occupent indûment nos sièges, c'est juste que l'on ne trouve pas les numéros correspondants. Et à part la cabine du pilote, on a fait le tour de la question. Nous nous enquérons donc auprès de l'hôtesse de cette anomalie. Hôtesse qui, après avoir jeté un œil sur nos billets, nous livre sa sentence : « C'est normal, ce n'est pas le bon avion, celui-là va à Marseille ».
Je me disais aussi, ça me paraissait bizarre un avion à hélices pour aller jusqu'à Paris.
Évidemment 😏
Comme d'hab, bel article. ;) Pour le titre, référence au hit de Canned Heat ? Bises !